La francophonie sous la neige, parmi sapins et bouleaux
 

Le treizieme seminaire de l’AEFR (Association des enseignants de francais en Russie)

A Ivanteevka, a cinquante kilometres de Moscou, s’est tenu, du 25 au 31 janvier un seminaire regroupant des enseignants venus de tres loin : de toute la Russie, de Georgie, d’Armenie, de Siberie, du Caucase, de villes qui font rever comme Saint-Petersbourg ou qu’on imagine sous les glaces d’un interminable hiver, comme Arkhangelsk. Ce qui rassemblait ces femmes et ces hommes etait la passion de la langue francaise. Cet amour est inspire et est soutenu par la presidente de l’AEFR, le professeur Jeanne Aroutiounova. Il s’est exprime de maniere variee et touchante dans les reponses a une enquete menees sur les raisons d’apprendre le francais. Il s’est manifeste par un grand desir de parler avec les intervenants, pour la plupart des francophones natifs.

Lors de la seance d’ouverture, ou participaient, entre autres personnalites, Monsieur Cadet, Ambassadeur de France, Monsieur Chibaeff Conseiller de cooperation et d’action culturelle, Madame Aroutiounova, Presidente de l’AERF et Madame Vermeulen, Premier Secretaire de l’Ambassade de Belgique a Moscou, les enjeux ont ete poses. Quel role le francais doit-il doit jouer dans le monde actuel ou les Etats-Unis occupent une position hegemonique ? Celui d’une langue certes liee a une nation dont elle a permis l’unification et le rayonnement, mais qui, depuis, est devenue le vehicule de cultures multiples et differentes sur trois continents.

Langue maternelle, langue seconde, langue etrangere avec statut privilegie ou non, le francais n’est plus seulement le vecteur de la litterature francaise, role qui neanmoins reste important et qu’il faut defendre. Il appartient a tous les francophones qui expriment grace a lui leur identite personnelle comme leurs specificites nationales et culturelles. Il permet de communiquer dans tous les secteurs de l’activite humaine. Neanmoins, pour ce faire, les exigences de sa grammaire, sa tendance a figer son vocabulaire, les particularites de sa prononciation posent probleme. Il ne faudrait pas, de ce fait, que l’anglais basique devienne la langue de la science, de la technique, des affaires, langue internationale simple et efficace que tout le monde parle approximativement, alors que le francais ne serait plus qu’une langue litteraire, utilisee pour les propos de salons et donnant lieu aux divertissements raffines de dictees truffees de participes passes.

Le matin, les participants se reunissaient pour ecouter des conferences sur le FLE, sur les rapports entre la Russie et la France, sur la litterature belge de langue francaise, sur la presence du francais en Louisiane. L’apres-midi, ils se retrouvaient dans des ateliers divers : evaluation des productions orales ou de la lecture, methodes pour elaborer des textes fonctionnels, analyses de chansons de Brel ou de Renaud, lectures de poetes belges et russes, analyse d’une nouvelle de Simenon, problemes des normes, questions diverses de didactique…

J’ai ete personnellement impressionne par la qualite de l’organisation de ce seminaire regroupant plus de 200 participants et une trentaine d’intervenants venus de tous les horizons de la francophonie. J’ai eu un reel plaisir a apprecier l’attention des enseignants russes au cours des exposes et de pouvoir, lors des ateliers que j’animais, m’appuyer sur leurs reactions, travailler a la maniere socratique, par questions et reponses. Je ne cacherai pas non plus que j’ai pris plaisir a quelques balades dans la neige, parmi les arbres qui entouraient le complexe ou nous travaillions : occasion de prolonger les conversations entamees lors des ateliers ou des repas, decouvertes partagees dans une grande convivialite. La bonne organisation du seminaire allait de pair avec une atmosphere chaleureuse et dynamique J’ai meme cru deviner l’ame russe dans les chants qui animaient les veillees et les danses qui ont suivi un spectacle plein d’inventivite, une revue drole et enlevee ou les participants et les intervenants ont revele des talents insoupconnes et qu’a cloture le discours de Jeanne Aroutiounova, remerciant tous les participants et les intervenants avec un mot personnel pour chacun.

Ce seminaire a prouve une fois de plus, mais de maniere exceptionnelle, qu’il n’est rien de mieux, pour l’apprentissage des langues, que le dialogue des cultures.

Jacques LEFEBVRE
President de la Societe belge des professeurs de francais

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